Article à retrouver dans son intégralité sur le site de la revue Cybergeo

Visualiser des parcours migratoires à partir de récits de migrants, le cas des réfugiés syriens

d epuis 2015, l’événement abusivement qualifié de « crise migratoire » par les sphères politiques et médiatiques européennes a engendré une importante production cartographique, suggérant à tort que l’Europe fait face à des arrivées massives de demandeurs d’asile. De surcroît, ces cartes, fondées sur des données agrégées, ont tendance à délivrer une image particulièrement lisse et uniformisante des mouvements migratoires. Ces iconographies font donc fi des vicissitudes des voyages entrepris par les personnes contraintes d’emprunter les routes euro-méditerranéennes de la migration irrégulière. Ce constat invite à envisager des modes de représentation graphique alternatifs, moins euro-centrés, plus humanisants et permettant d’évoquer l’entre-deux migratoire connectant les espaces de départ et d’installation. Cet article revient ainsi sur le processus d’élaboration d’une démarche de recherche reproductible, destinée à visualiser de manière plus sensible une partie des expériences vécues sur la route par les personnes en migration. Nous présentons pour cela le protocole méthodologique conçu afin de réunir le matériau narratif nécessaire à la création d’une combinaison de formalisations graphiques : cartes d’itinéraires, frises spatio-temporelles et diagrammes de réseaux spatialisés. Cette contribution se fonde sur des données qualitatives collectées auprès d’un échantillon de réfugiés syriens originaires d’une même localité de Syrie : Deir Mqaren. La comparaison des figures illustrant les différentes dimensions (spatiale, temporelle et relationnelle) de leurs parcours migratoires entre la Syrie et la Jordanie permet de mettre en exergue les effets de la fermeture des frontières jordaniennes sur les itinéraires empruntés, depuis 2011, par les exilés syriens désireux de s’installer sur le territoire jordanien.

“À l’heure de la généralisation des grandes bases de données en ligne sur les migrations, la prise en compte du singulier dans la construction de documents cartographiques est plus que jamais indispensable, notamment pour contrer l’instrumentalisation politique qui est faite de la question migratoire.”